Introspection

2 février 2020

Introspection

« Que d’hommes se pressent vers la lumière, non pas pour voir mieux, mais pour mieux briller. » Je ne sais plus qui a dit ça. De toute façon je m’en fiche. Oui c’est vrai, je suis orgueilleuse et j’aime briller. Et alors ?

A cause de ce jeune blanc-bec, je me regarde dans mon miroir et je ne me vois plus de la même façon. J’étais le bras droit du boss. J’avais travaillé dur pour en arriver là. Des heures et des heures de boulot pour avoir ce poste. Et enfin, j’avais obtenu le Graal. Je dirigeais en main de maître une équipe de vingt personnes. On me détestait. Mais plus on me détestait, plus je montais en puissance en savourant ma réussite, en me délectant lorsqu’on venait frapper à ma porte pour m’apporter un dossier à mettre à jour que j’avais demandé et que je jetais à la poubelle en disant : « C’est nul, recommencez ». Une vraie jouissance pour des résultats hors normes. Je suis supérieure aux autres, je le sais. Les autres je les méprise. Je sais qu’on me surnomme la vipère, je m’en moque, je dirais même que ça me flatte.

Puis, ce fut la restructuration et on m’a imposé un adjoint. Un costume trois pièces bardé de diplômes. Beau garçon d’ailleurs. Je me suis très rapidement rendu compte que son côté requin allait peut-être me dévorer. Alors j’ai mis les bouchées doubles, je voulais l’écraser, c’était une lutte quotidienne. J’ai même essayé de le séduire, après tout j’étais encore désirable, et surtout je l’aurais eu sous ma coupe. Mais il m’a dit : « T’as vu ta gueule ? T’as un miroir au moins ? Alors regarde-toi bien ».

Je suis à bout de force. Ce besoin vital qui me pousse à être au sommet m’épuise. Le reflet que me renvoie mon miroir me désespère. Le blanc-bec, avec ses dents de requins, son bac plus cinq et son sourire carnassier est en train de me voler ma place. Mais alors, il est plus orgueilleux que moi ? C’est horrible.

Je ne dormais plus. Je suis allée voir mon toubib qui m’a conseillé un psy. Celui-ci m’a dit que l’orgueil était le consolateur des faibles ! Moi faible ? N’importe quoi !

En désespoir de cause, j’ai fini par interroger mon miroir, les yeux dans les yeux, comme dans les contes de fée.

Miroir, mon beau miroir, dis-moi si je suis la plus belle et la plus intelligente.
Je dirais, répondit le miroir, que tu es la plus orgueilleuse !
Ha ! M’écrie ai-je ! Parce que la beauté et l’intelligence, tu appelles cela de l’orgueil ?
En ce qui te concerne, oui. Ton orgueil est une exacerbation narcissique de ton ego.
N’importe quoi ! Regarde-moi bien. Je suis parfaite à tout point de vue.
Ton enveloppe physique peut-être, mais ton intérieur est désespérément noir. Tu es tellement imbue de ta personne, tellement préoccupée par ton petit nombril, que tu ne vois rien de ce qui se passe autour de toi.

Malgré la colère qui s’emparait de moi, le miroir continua son analyse :

Ton orgueil se lit dans tes yeux pleins de colère. Tu souffres, mais ton orgueil t’empêche de te plaindre. Tu envies les autres, mais tu ne l’avoueras pour rien au monde. Tu ne supportes pas l’idée que l’on puisse t’aimer car tu ne sais pas aimer. A part toi-même et encore. L’orgueil est un serpent qui finira par te détruire. Je te plains, dit le miroir dans un profond soupir.
Je te hais, lui dis-je.
Tu hais ce que tu es devenu. Tu veux donner une justification à ta vie car tu n’as rien d’autre. Essaie simplement d’être heureuse. Cherche plutôt à connaître la femme qui est derrière l’image reflétée dans le miroir.

Je me suis mise à pleurer et à partir de ce jour-là m’a vie a changé.