Orgueilleux malgré lui

Orgueilleux malgré lui

 Il était une fois un jeune garçon prénommait Romain. Il était le fils unique d’un riche industriel de la région qui employait la moitié de la population de la ville, et d’une mère au foyer très impliquée dans la vie associative autant physiquement que pécuniairement. 

Dès son plus jeune âge Romain fit preuve d’une grande vivacité d’esprit. En grandissant il devint malin et rusé, ce qui faisait dire à sa mère à qui voulait l’entendre : « Mon fils est intelligent ! » Ce qui était vrai. Ainsi Romain grandit avec cette évidence : il était intelligent. 

Gâté, choyé, adoré par sa mère, il pensait que tout lui était dû. Ainsi lorsqu’il commença à aller à l'école, les enseignants le traitèrent avec une certaine déférence, ses parents étant des notables. Il comprit très vite qu'il pouvait obtenir tout ce qu'il voulait ou presque. 

De l’école primaire il sortit triomphant. Au collège rien ne changea, il était le meilleur et se complaisait à le dire haut et fort. Il avait un aplomb incroyable et au moindre conflit il disait en quittant la classe "j'en parlerai à mon père ! » De ce fait tous ses camarades lui tournaient le dos. Il était détesté par les uns, craint par les autres. Il n'avait ni copain, ni ami, n’était jamais invité à un anniversaire ou à une sortie. Il  disait à sa mère que ses camarades étaient tous nuls et inintéressants. Mais au fond de lui il ne comprenait pas pourquoi on le détestait autant. 

Au lycée il croisa le regard de Bélinda. Elle avait les yeux bleus Bélinda, un bleu couleur d’azur qui le tétanisa. Elle lui sourit timidement. Il en tomba follement amoureux. A partir de ce moment-là il essaya par tous les moyens de la séduire. Il prenait toujours la parole en classe, avait toujours des anecdotes à raconter sur ses voyages, sur ses loisirs. Il agaçait les professeurs, mais on le ménageait. Quant aux élèves, ils l’ignoraient totalement, le fuyaient comme la peste. Bélinda préféra la compagnie de garçons simples et beaucoup plus sympathiques. Romain, qu'elle trouvait pourtant très beau, finit par l’horripiler. 

Un jour, Romain attendit Bélinda après les cours et lui demanda sûr de lui : 

-        Tu ne voudrais pas venir au cinéma avec moi, être mon amie et pourquoi pas ma petite amie ?

-        Certainement pas ! Répondit-elle.

-        Et pourquoi donc ? Dit-il d'un air étonné.

-        Tu me demandes pourquoi ? Parce que tu es trop orgueilleux. Et cela te rend de plus en plus laid.

-        Moi orgueilleux ? Je suis intelligent c’est une vérité. Tu préfères sortir avec ces imbéciles !

-        Ils ne sont peut-être pas aussi intelligents que toi, mais ils ont l’intelligence du cœur Ton cœur à toi  est sec ! 

Bélinda tourna les talons et le laissa planté là. Romain sentit comme un coup de poignard dans son ventre. Personne ne lui avait jamais parlé comme ça. Mais qu'avait-il donc fait pour qu'elle le traite de cette façon ? Pour qui se prenait-elle !

Il rentra chez lui épuisé. Il se sentait nauséeux, fiévreux. Sa mère, inquiète, appela le médecin. Malgré tous les traitements que celui-ci lui donna, aucun ne fit effet, la fièvre ne le quittait pas. Romain était atteint d'un mal mystérieux. 

Au lycée les commentaires allaient bon train : « Il parait que Romain est malade » ; « Peut-être qu'il va mourir » ; « Il n'a que ce qu'il mérite » ; « Bien fait pour lui » ; « On en sera débarrassé ». Les enfants peuvent être très cruels. 

Bélinda pensa qu’il était temps d’agir. Elle se rendit au domicile de Romain et demanda à le voir : 

-        Tu es son amie ? Demanda la mère de Romain.

-        Je suis sans doute sa seule amie répondit-elle. 

Tous les soirs après les cours elle se rendait chez Romain et restait seule avec lui. La mère de Romain se demandait ce que Bélinda pouvait bien faire, mais elle respectait la demande de celle-ci de la laisser seule avec son fis. Au bout de quelques jours Bélinda lui dit : 

-        Il est inutile que je revienne, Romain est guéri. Dites-lui qu'on se verra à la rentrée prochaine, qu’il se repose et nous revienne en pleine forme. 

La mère de Romain resta sceptique. Mais effectivement le lendemain matin la fièvre était tombée. Il déclara qu'il avait un peu faim. Sa mère lui raconta les visites de Bélinda. Oui il allait se remettre car il était sûr de revoir Bélinda. Il n’avait donc pas rêvé, elle était venue le voir. Des bribes de phrases lui revenaient en mémoire : « L’orgueil est un état d’esprit ... Tu as trop confiance en toi ... Tu crois faire mieux que les autres mais tu ne regardes pas les autres ... Tu es vaniteux, fier … L’orgueil est un péché qui peut te détruire … Tu as fait le vide autour de toi ..." 

Il profita des vacances pour se remettre en question. Il allait faire amende honorable auprès de ses camarades. Il se croyait invincible, mais il n’était qu’un être humain, un enfant un peu trop gâté par la vie. Oui, c'était vrai, il avait un peu triché, beaucoup menti et aussi exagéré pour se mettre en valeur. 

Le jour de la rentrée il s’excusa auprès de ses camarades et de ses professeurs. Il voulait être un enfant comme les autres. Il demanda si Bélinda était là. Mais personne ne connaissait de Bélinda ! Il n'y avait jamais eu de Bélinda au Lycée ! 

Après les cours il rentra chez lui en passant par le parc. Il s’assit sur un banc, il avait besoin de réfléchir.  Dans son délire il avait  donc rêvé ! Pourtant ... Une ombre se dessina derrière un petit arbuste, c'était elle, Bélinda ! Elle lui sourit, lui fit un petit signe de la main, claqua dans ses doits et disparut. 

« Plus l'orgueil s'élève, plus il fait de vide au-dessous de lui ; c'est un abîme qu'il se creuse et une chute qu'il se prépare ».
Citation d’ Alfred Auguste Pilavoine

Marcal