La boîte de chocolats

La boîte de chocolats.

Moi, j’aimerais…  « Inventez la suite ! » dit  Leccie nous donnant ainsi la consigne d’écriture ! Autant dire  que c’est  comme offrir une boite de chocolats à une gourmande comme moi. Dans un premier coup d’œil, j’explore toutes les possibilités de satisfaire ma gourmandise. Puis ma main se dirige de manière hésitante  vers un papier doré. Moi, j’aimerais être riche. Je pourrais gâter ma petite famille, et surtout mes petits-enfants. « Tout le monde souhaite cela,  rien d’original ! »  me direz- vous ! Je n’aime pas être comme tout le monde. Le chocolat au papier doré reste dans sa loge.

La main repart. Elle tourne et retourne à la recherche d’un chocolat extraordinaire. Peut-être celui-ci dans un emballage rose ! Moi, j’aimerais  retourner dans le ventre de ma maman et me souvenir de ce passage toute ma vie d’adulte. Je pourrais mémoriser le bien-être de flotter dans un lieu protégé du bruit et de la lumière. Je pourrais ressentir l’enchantement de la découverte de sa voix. Je suis sûre qu’elle me fredonnerait des chansons en secret. En retour,  je lui donnerai des petits coups auxquels elle répondrait par des caresses. Un peu comme un langage secret. L’étonnement de me voir embryon et devenir un petit être serait un sentiment d’émerveillement qui encore aujourd’hui m’inviterait à prendre plus soin de moi. La sécurité de ce cordon qui me lie à elle et qui me nourrit serait l’assurance d’un lien  indestructible qui me réconforterait lors de la grande séparation.  Il est dit que notre corps a mémoire de tous ces instants, mais sincèrement, vous rappelez-vous du fœtus que vous étiez ? Moi je ne me rappelle de rien ! Seule l’empreinte du doigt de l’ange, au-dessus de ma bouche me rappelle la promesse faite le jour de ma naissance : se taire sur les mystères de la création, rester sensible à la magie de l’instant.

La magie de l’instant est cette boite de chocolat sous mes yeux avec ma main toujours hésitante sur le choix à faire.

Oh ! Ce chocolat dans un papier vert Véronèse ! Restauratrice de tableaux, voilà ce j’aimerais être. Bien sûr une restauratrice connue et reconnue, non pas par orgueil d’être renommée, loin de moi  cette idée, mais pour avoir le droit de réparer des tableaux célèbres. Je voyagerais dans toute l’Italie, berceau de mon rêve, et plus aucun de ses musées, palais, villas n’aurait de secret pour moi. Pinceau à la main, et l’œil averti, j’étudierais le manteau vermillon avec les  drapés délicats de l’ange dans le tableau de l’Annonciation de Léonard de Vinci à Florence. Mon geste se ferait aussi léger que la fluidité et la transparence des voiles des trois Grâces de Botticelli. En fin de journée, après avoir travaillé sur des tableaux de Caravage, d’étranges sentiments envahiraient mon cœur. Une admiration mêlée de colère et de pitié. C’était un génie du clair-obscur, de ce fait chacun de ses tableaux est saisissant. Mais comment peindre avec autant de réalisme le plaisir du vol, de la tromperie, de donner la mort. Quel homme était-il ? Avait-il souffert ou avait-il accompli ces actes  pour peindre  ces émotions avec autant de force ? Je pense à Tieppolo, Véronése. Je me dis alors que j’aimerais non pas être restauratrice mais une de leurs élèves. Imaginez-vous peindre des fresques dans les belles villas palladiennes ! Une villa qui domine la campagne italienne, mais en harmonie. Aucune n’enlève la beauté de l’autre. Vous, vous êtes là sur votre petit nuage. Vous avez toutes les peintures nécessaires pour faire les fresques qui vont habiller cette maison. Fenêtres ouvertes sur la campagne, la nature s’offre à vous comme modèle. Le temps ne compte plus. Vous suivez pas à pas le maître, vous retenez votre souffle, devancez parfois ses demandes, la peur de se tromper vous habite. Mais le privilège d’être la petite main de ces grands artistes vous envahit d’un bonheur sans pareil et aucune colère du peintre ne peut détruire ces instants. Les heures ne sont pas comptées, les jours interminables, mais peu importe votre pinceau est dans l’ombre du grand maître. Toutes les fresques de la villa sont finies. Vous pouvez enfin voir le salon peint exclusivement par  le grand maître. Véronèse, en tenue de chasse, son fidèle chien à ses pieds, semble vous attendre sur le pas de la porte. Mais son personnage  n’est qu’un trompe l’œil ! 

Et si ce  chocolat était aussi une illusion dans son papier vert Véronèse ? La main redevient hésitante, puis elle s’affole comme si le temps lui était compté. Quel chocolat prendre ? Ce blanc ? Oh non, non, non ! Il n’est pas blanc comme neige, il est trompeur, il n’y a pas un gramme de cacao ! Alors ce chocolat au lait et noisette ? Trop sucré pour m’amadouer au cas où la noisette détruise une de mes dents. Et ce chocolat  noir, dans le coin de la boîte. Il semble simple et discret, pour peu je ne l’aurais pas vu ! Moi, j’aimerais être moi. Authentique comme ce chocolat noir, sans sucre ajouté pour paraître, être dans un plaisir partagé comme lui aime le faire vivre. Il peut être cassant. Moi aussi. Lui par qualité, moi par maladresse. Antidépresseur, je n’aurai pas cette capacité, mais je peux être une oreille amie. Lutter contre les rides, là, je suis plus forte que lui. Les enfants m’offrent facilement leur terrain de jeux et en échange je leur conte des histoires pour les faire rêver. Mais…^. Etre moi, c’est péché de gourmandise ou péché d’orgueil ?

Plume Do