La loi universelle : tu récoltes ce que tu sèmes

 

Merlin dort dans son taudis, une immense grange en bois, cachée dans le coin reculé d’une forêt. Cette grange, d’une unique pièce, est son antre : il y dort, y mange, y fait ses expériences, y écrit. Il y collectionne toutes sortes de trésors : des feuilles de hêtre, des pommes de pin, des boules de houx, des mousses touffues, des plumes, etc…

Parfois aussi il héberge un temps, dont il juge lui-même la durée -pour son plaisir personnel- quelques esprits de la forêt pétrifiés dans leur posture vivante ; devenus des fossiles inertes et froids. Car ce cher Merlin, en alchimiste perfide, tout le jour court les bois, cherche et traque gnomes, fées, lutins, écureuils, salamandres, ondines, etc. Il joue avec eux et se joue d’eux aussi parfois.

 Oui, ce magicien aime par-dessus tout jeter des sorts. Voilà son amusement favori, sa passion même, son passe-temps préféré. Le  sort le plus réussi à ce jour est justement cette grange dont il a fait son habitat. Autrefois, c’était de grands arbres millénaires dont il a figé la sève à tout jamais en un goudron noir et dur.

A présent il dort, sur sa couche de fougère, il rêve peut-être, dans la chaleur diffuse d’un poêle à bois. Les deux arabesques en bout de sa moustache dansent à l’expire accompagnées d’un ronflement paisible. Mais soudain, il est jeté violemment au sol par une secousse ! Il se retourne, effaré, voit le sol se soulever par endroit, des tentacules-racines agrippent le pied du lit et l’envoient valdinguer à travers la pièce pour se fracasser sur le mur opposé.

Le cul par terre Merlin se frotte les yeux, son bonnet de guingois sur la tête, « c’est un cauchemar pas possible ! » se dit-il. Les tapis sont troués par des tiges-lianes qui s’élèvent et perforent le toit, les murs vibrent, tremblent, crient. Merlin se lève, titube et chute à nouveau, les pieds pris dans une tresse. L’écureuil empaillé ricane. Merlin ne comprend pas ce qu’il se passe. Un grognement d’outre-tombe le terrifie « Merlin tu as perdu tous tes pouvoirs ! Nous revenons à la vie, toi tu vas mourir ! »

Affolé Merlin rampe vers la porte pour fuir cet enfer, mais d’énormes trompettes de la mort lui en barrent le passage. Il reconnaît les champignons qu’il a mangés crus, hier soir au souper, avec un malin délice. Merlin s’est empoisonné, pris à son propre jeu, au jeu du pouvoir de vie et de mort sur toutes choses. Il a semé la révolte, la vie reprend ses droits dans la forêt.

« Le roi va mourir ! Vive le roi ! » s’écrient les êtres de la forêt.