Portrait de la Justice
Faux témoignage gisait sur le parquet, le visage entre les mains. Au travers de ses doigts coulait un sang grenat qui se répandait lentement sur le sol. Justice, impassible, le regardait gémir. Cette jeune femme athlétique aux allures de déesse venait de lui sectionner la langue d’un coup d’épée. Elle levait maintenant la tête vers le ciel. Une abondante chevelure fauve enserrée d’une couronne de fleurs encadrait deux joues empourprées de rose. Des lèvres fines découvraient de petites incisives nacrées. Ses yeux sombres brillaient. Son regard avait la franchise de l’aube. Une toge de lin blanc laissait apparaître en transparence deux petits seins vigoureux. Sa taille haute était ceinturée d’or. De fortes cuisses la soutenaient. Ses pieds étaient nus. Dans sa main droite le glaive rougeoyant pointait vers le sol tandis que son bras gauche soulevait une balance aux plateaux de bronze ciselés. Au-dessus de sa tête des écharpes des nuées s’effilochaient dans les nuances d’un bleu très pur. Bonne comme le pain, Justice avait tranché !
Tribunal de Grande Instance de Bobigny (93) :
Visage émacié, robe en lambeaux, Réponse pénale ne peut plus honorer sa mission. Elle pousse des petits cris, face à l’encombrement des affaires. Elle souffre d’embolie. Le tableau de l’état de la délinquance dans le département la terrifie. Sa main tremble. Il faut dire que le chauffage est tombé en panne en plein hiver. Réponse pénale est très dégradée. Le noir cerne son regard et son esprit. On brade la justice : « payez votre amende dans le mois vous aurez une réduction de peine ». Pour un peu on solderait ! Réponse pénale fait les cent pas dans la salle d’audience déserte, le dos vouté et la tête basse. Sa respiration est haletante. Le découragement la gagne. Les indicateurs sont dans le rouge. Ils clignotent et se reflètent sur ses joues blêmes. Réponse pénale se désespère.
Gaya