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Zin'o'script, blog et revue de l'association Ecri'service
4 octobre 2017

PINCETTE

Il était une fois une adorable petite fille de deux ans. Elle était vive, rieuse, aimable, et ouvrait de grands yeux bleus étonnés sous une cascade de boucles blondes. Un vrai petit ange qui faisait la joie de son papa et de sa maman, de sa grande sœur Zoé, de ses papys, de ses mamies, de ses tontons, de ses taties et tutti quanti…

Mais cette adorable petite fille avait un défaut, et pas des moindres : elle ne savait pas faire de câlins. Au lieu de faire des bisous comme font tous les petits enfants de son âge, elle manifestait sa joie de rencontrer quelqu’un en le pinçant ! Elle glissait doucement sa petite menotte vers qui l’approchait et sans que l’on s’y attende, et aïe ! Elle avait pincé. Son papa et sa maman ne s’étaient pas trop inquiétés de prime abord. Et même, les taties trop complaisantes souriaient de ce travers en disant bêtement « Eh bé ! en voila une qui saura se défendre ! ».

A la maison des tout-petits où la laissaient son papa et sa maman pendant qu’ils allaient travailler, les tatas chargées de soigner et d’occuper tous ces beaux enfants étaient désolées qu’une si jolie petite fille se comporte de la sorte, et finisse par faire pleurer tous ses petits camarades. Tout comme les enfants qu’elles gardaient, les tatas avaient surnommé la petite fille « Pincette », et avaient fini par ne plus vouloir la recevoir dans la maison des tout-petits. C’est le papa et la maman de Pincette qui étaient bien ennuyés : « Qu’allons nous faire ? Qui voudra garder notre petite Pincette désormais ? ».

Heureusement, les papys et les mamies étaient là, et comme il leur restait encore un peu de temps libre et qu’ils avaient beaucoup d’affection pour leur petite fille, ils se relaieraient pour la garder pendant que papa et maman iraient travailler. Bien sûr, les mamies, plus avisées que les taties frivoles essaieraient de raisonner Pincette lorsqu’elles se feraient, à leur tour, pincer. Une petite tape sur la menotte pour lui faire comprendre que ce n’était pas bien. Mais Pincette ouvrirait de grands yeux bleus étonnés sous la cascade de boucles blondes, et dirait, avec son vocabulaire de deux ans : « Est pas higolo, hé ! » (comprendre « C’est pas rigolo, hein ! »), et la vindicte éducatrice de la mamie pédagogue s’en trouverait soudain refroidie.

Un jour que Pincette jouait dans le jardin d’un papy, elle observa un joli papillon qui s’était posé sur une belle rose rose à peine éclose. Le lépidoptère avait sagement replié ses magnifiques ailes en position verticale, et s’affairait à butiner le nectar des pétales nacrés. L’occasion était trop belle pour Pincette qui voulut témoigner son affection à ce beau papillon. Elle avança la menotte, ajusta soigneusement son petit pouce et son petit index, et attrapa entre ses deux petits doigts la voilure poudrée du papillon… « Aïe ! Aïe ! » fit celui-ci. Pincette, toute étonnée, retira sa petite main. « Pa ? » dit-elle (comprendre « Tu Parles ? »). « Bien sûr ! », répondit le papillon.

Mais, ce disant, son corps s’était allongé et épaissi, prenant la forme d’une magnifique mais minuscule jeune fille qui s’était assise en tailleur sur la rose, ses ailes de papillon battant dans son dos. « Regarde ce que tu m’as fait, j’ai perdu plein d’écailles ! Méchante petite fille ! ». A ces mots de la fée, parce qu’il s’agissait bien d’une fée, Pincette se mit à pleurer à chaudes larmes. Son papy, qui était un peu sourd, occupé à pincer ses pieds de tomate à l’autre bout du jardin, n’entendit pas les sanglots de sa petite fille. Alors, la fée battit des ailes et vint voleter tout près du visage de Pincette qui était tout mouillé de larmes. « Ne pleure pas, petite fille, mes écailles vont repousser ». Pincette sécha ses larmes, rassurée par la voix douce et caressante de la fée. Et pour montrer sa reconnaissance, elle fit mine d’envoyer à nouveau la menotte pour pincer la jolie fée. Celle-ci se recula d’un habile battement d’ailes « En arrière toute » et éclata d’un rire cristallin : « Ah ah ! je vois, tu es une enfant qui pince et qui ne sait pas faire de bisous. Je connais ça. J’en ai déjà vu d’autres. ».  « Est pas higolo, hé ! » répondit Pincette. « Et non, ce n’est pas rigolo », répondit la fée, « Mais si tu veux bien, je peux t’aider ».

Sur ce, la minuscule magicienne tira une inévitable baguette magique de son corsage, et en faisant quelques moulinets soulignés de poussière d’étoile, elle fit apparaître une belle paire de gants roses exactement de la taille des menottes de Pincette. Et la fée expliqua : « Tu vas mettre ces gants. Tu seras la seule à les voir. Alors, chaque fois que tu voudras pincer, les gants magiques t’en empêcheront, et tes ennuis seront terminés ». « Essi ! » répondit Pincette pour dire merci, et elle enfila soigneusement cette paire de gants très fins. Aussitôt le papillon reprit sa forme et s’envola, en semant toutefois quelques poussières d’étoile…

Pincette, toute heureuse, se dirigea vers le papy tomatologue, au fond du jardin : « Ké fé Papy ? » (qu’est-ce que tu fais, Papy ? ) dit-elle. Le brave homme répondit à sa petite fille : « Tu vois, je pince les tomates. Regarde bien… » et il fit une démonstration à l’enfant, en arrachant un entre feuille entre son pouce et son index. « A toi maintenant ! Pince celui là ! ». Pincette avança sa menotte gantée (mais le papy ne voyait pas les gants) et au moment de saisir la pousse, elle retira brusquement sa main. « Peux pas ! » dit-elle tristement. Le papy dit que ça ne faisait rien, et à ce moment-là, la mamie appela pour faire goûter Pincette. Pour remercier sa grand-mère, Pincette lui déposa un bisou bien baveux sur la joue. « Tiens ? » pensa la mamie, « Elle n’a pas essayé de me pincer ».

Et bientôt, tous se rendirent à l’évidence, Pincette ne pinçait plus. Après s’être bien assurés de la disparition de la manie de l’enfant, son papa et sa maman avisèrent vite les tatas de la maison des tout-petits de sa guérison miraculeuse, et l’enfant put réintégrer ce home et retrouver ses petits camarades, auxquels elle eu tôt fait de distribuer des chapelets de bisous baveux. Tant et si bien que Pincette se vit appeler désormais Bisounette. Alors s’écoulèrent des jours heureux, ponctués par les claquements humides des bisous, et tout le monde s’en réjouit : Papa, maman, grande sœur Zoé qui désormais n’avait plus de bleus sur les bras, les papys, les mamies, les tontons, les taties et tutti quanti…

Mais par une belle matinée d’été, hélas, Papa et maman emmenèrent Bisounette et sa grande sœur Zoé à la plage, à la grande joie des deux filles. Après que les parents attentionnés eurent copieusement tartiné les petites de crème solaire, on entreprit d’aller mettre les pieds dans l’eau . Bisounette, toute affairée à savoir si elle prendrait le grand seau rose ou la bouée Hello Kitty, retira machinalement ses gants qu’elle posa près de ses sandales. La séance de plage se passa idéalement bien, les deux filles se roulant dans le sable, si bien que la crème solaire aidant, elles ressemblaient à des escalopes panées prêtes à frire.

Une douche répara tout ça et tout le monde se rhabilla. Bisounette prit bien soin d’enfiler à nouveau ses gants. Mais à peine les avait-elle mis, qu’une curieuse démangeaison la prit dans ses petites mains. Pour la calmer, elle tendit sa menotte vers sa grande sœur Zoé et lui pinça le bras. « Aïe ! aïe ! » fit la pauvre Zoé en se mettant à pleurer « Elle a recommencé ! Elle a recommencé ! ». Le papa et la maman restèrent bouche bée et se regardèrent d’un air effaré. Le spectre d’une nouvelle exclusion de la maison des tout-petits les hanta soudain. Le papa expliqua calmement à sa cadette qu’il ne fallait plus faire ça, mais vraiment plus !

Alors, la petite famille se rendit chez le papy et la mamie, car ils avaient été conviés à déjeuner. En guise de baiser pour dire bonjour à sa mamie, la petite la gratifia d’un pinçon sournois sur le gras du bras. Désespoir de la mamie qui se mit à son tour à pleurer à chaudes larmes « Et ben ! » dit le papy en levant les bras, « Au moins je pourrai lui faire pincer les tomates… ». La gaminette fila alors au fond du jardin, prête à opérer, laissant ses parents se perdre en conjectures pessimistes pour la suite de l’histoire.

 Pincette était de retour ! Hélas ! Hélas ! Hélas !! Une fois devant les pieds de tomates, la fillette remarqua un beau papillon perché sur le tuteur de bambou. Devant cette proie colorée, elle envoya la main. Mais aussitôt l’insecte se métamorphosa à nouveau, et la fée réapparut. « Est pas higolo, hé ! » lui dit la petite d’entrée. La fée répondit :«Mais qu’as-tu fabriqué avec tes gants ? Fais moi voir tes mains. » Pincette tendit ses paumes gantées à la fée. « Regarde la couleur de tes gants. Il sont bleus. Ceux que je t’avais donné étaient roses. Les as-tu enlevés ? » Oui, fit Pincette de la tête. La fée reprit « J’ai compris : en les enlevant, comme il devait faire chaud, tu as dû les retourner. Et à l’envers; les gants magiques te donnent au contraire l’envie de pincer. » La petite allait parler, mais la fée la coupa : « Oui, je sais, ce n’est pas rigolo. Allez, retire tes gants. » Ce que fit l’enfant. La fée sortit à nouveau la baguette magique de son corsage et fit quelques moulinets à la poussière d’étoile. L’enchantement fit se retourner les gants, et de plus, ceux-ci allèrent s’enfiler tous seuls sur les menottes de l’enfant. « Ne retire plus jamais tes gants ! » dit la fée, ajoutant « Jusqu’à ce que je te dise de le faire. Compris ? » L’enfant fit oui de la tête et dit « Essi !». Le papillon reprit son envol, et la petite se dépêcha d’aller faire un gros bisou baveux à sa mamie, et tant qu’elle y était, à sa grande sœur Zoé, à son papa, à sa maman et à son papy.

Puis les années s’écoulèrent. Bisounette quitta d’abord la maison des tout-petits et alla à l’école, puis à la grande école. Elle était très connue pour sa gentillesse et pour les gros bisous baveux qu’elle distribuait généreusement à tout le monde, si bien que tout le monde l’aimait.

Un soir d’été, alors qu’il faisait très chaud, un papillon attiré par la lampe de chevet de Bisounette entra dans sa chambre et vint se poser sur sa table de nuit. Zoé dormait déjà et ne remarqua rien. Bisounette observa attentivement le bel insecte, qui soudain se métamorphosa : la fée était revenue. « Bonsoir mon amie » dit-elle tendrement. « Bonsoir belle fée. Qu’es-tu venue me dire ? » répondit Bisounette. La fée s’assit en tailleur sur la table de nuit et répondit « Tu peux désormais retirer tes gants, tu n’en auras plus besoin. »

La fillette répondit « Ah ! ça c’est rigolo ! » et elle retira aussitôt ses gants. La fée les reprit, battit des ailes et vint déposer un tendre et minuscule baiser sur le front de Bisounette, qui se sentit soudain toute émue. « Adieu » lui dit la fée, puis elle s’envola par la fenêtre sans même prendre la peine de redevenir papillon.

Alors Bisounette s’endormit paisiblement. A son réveil, elle était devenue une jeune fille.

 Ainsi, lors de notre petite enfance, et pour nous aider à emprunter les meilleurs chemins possibles, nous avons tous eu affaire à de bonnes ou de moins bonnes fées ; même si nous n’avons pas toujours su les voir, les entendre, leur parler, et même si notre mémoire ne les a pas gardées en souvenir. Et puis, un beau jour, ces fées nous ont dit adieu, ayant accompli leur mission de nous conduire jusqu’au terme de notre condition d’enfant.

Comment dites-vous ? Vous voyez toujours ces fées ? C’est normal, c’est que vous êtes resté un peu un enfant, et que vous avez gardé la faculté qu’ont les enfants de s’émerveiller…et d’écouter des contes tels que celui-ci.

Au fait, pourquoi n’en écririez-vous pas un ?

 

Richelieu

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