De laine et de chiffons
Dans mon salon se trouve une poupée de laine tricotée jadis par les mains de ma grand-mère.
Mes petits enfants adorent jouer avec elle, mais ne lui accordent pas beaucoup de délicatesse.
C'est une poupée ni trop grande, ni belle, très singulière dans sa forme.
Un jour d'hiver, j'entendis une voix me dire :
- Fais-moi du feu !
Surprise je vis la poupée descendre du fauteuil et avancer vers moi en disant :
- Fais-moi du feu ! j'ai besoin de chaleur.
Etonnée je lui répondis :
- Je ne peux te faire du feu, pourquoi veux-tu la flamme ?
- Donne-moi du feu, reprit-elle, sinon je mourrai.
Je regardai ma poupée en me demandant si je ne rêvais pas.
Je ne savais que faire.
Je me rappelai le soin que ma grand-mère avait pris en choisissant les laines pour la tricoter et de son sourire lorsqu'elle l'eut finie.
La laine de couleur rouge qui formait son cœur avait pali.
Ma poupée était en train de mourir.
Je courus jusqu'à ma cuisine pour prendre les allumettes mais la boîte me glissa des mains et tomba dans un bac d'eau.
Je n'avais plus de feu.
Plus aucune allumette sèche pour allumer un petit bout de chandelle.
Ma poupée pencha la tête et se tut.
Depuis je ne l'ai plus jamais entendue.
Elle est toujours sur mon canapé avec son pull rouge terni.
Le soir avant d'éteindre toutes les lumières je n'oublie pas de la border en lui demandant pardon.
Depuis ce jour-là certains soirs je ressens le parfum de violette de ma grand-mère flottant dans les airs.
Et dans l'attente de la voir à nouveau s'animer, je lui chante une berceuse que je connais depuis toujours car ma grand- mère la chantonnait en me disant de bien me souvenir de ces paroles :
« Ma chandelle est morte, ouvre-moi ta porte pour l'amour de DIEU. »
Texte : MT Oliviéri / Illustration : Mariko Shinobu